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© Jean-Pierre Pelaez -  2021

DE L'ART DE MANIFESTER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce nouveau concept artistique a fortement déplu aux syndicats qui restent fidèles à la traditionnelle manifestation mobile et dynamique. Mais finalement un savant et surprenant compromis, synthèse des deux précédentes conceptions, a été trouvé avec une manifestation où l’on tourne en rond sur un kilomètre, puisque parti de la Place de la Bastille, le cortège est revenu au même endroit après avoir fait le tour d’un bassin où sont amarrés quelques navires de plaisance.
    Cette remise en cause du droit de manifester, mais aussi de l’art de manifester soulève un certain nombre d’interrogations : n’est-il pas temps en effet, dans une époque moderne, pédagogique et progressiste comme la nôtre, de revoir la conception même d’une manifestation qui n’a pas changé depuis de nombreuses décennies et où, comme dans une messe, on refait toujours la même chose exactement, sauf que la messe est un rituel qui doit par définition rester immuable, alors qu’une manifestation syndicale n’exclut en rien improvisation, évolution ou inventivité. 
    Examinons donc comment pourrait évoluer l’art de manifester ! Par le passé, on a connu des manifestations contre le gouvernement consistant à édifier des barricades, ou bien aussi de type cavalier. C’est ainsi que le 18 brumaire An VIII, Bonaparte, qui n’était pas encore Napoléon 1er, n’avait pas hésité à aller manifester avec ses soldats son légitime mécontentement et demander l’ouverture de négociations sérieuses devant la chambre des députés d’alors, soutenu par sa cavalerie et ses grenadiers, lesquels, le bruit ayant couru que leur général bien aimé était en danger, n’avaient pas hésité à envahir la chambre des députés, qu’ils mirent aussitôt dehors manu militari. Mais aujourd’hui, cela est impossible et l’on imagine mal une armée syndicale chassant du Palais Bourbon nos députés, parmi lesquels nos représentants locaux Elie Aboud et Kléber Mesquida,  les faisant courir une pique dans les fesses, et les expédiant prendre un bain dans la Seine du côté de Paris-Plage ! Cet art de manifester n’est pas envisageable.
    Par contre, et pour abonder dans le sens du récent compromis entre les syndicats et le gouvernement, et de l’esprit cavalier de Bonaparte, on pourrait imaginer d’organiser les manifestations dans des hippodromes. Ainsi, comme les chevaux, les manifestants pourraient tourner en rond sur un parcours défini, encadré et sécurisé. Depuis les gradins des tribunes, les policiers surveilleraient le bon déroulement de la course et, à l’aide de jumelles, ils repèreraient immédiatement les casseurs. A Paris ce serait facile, plusieurs hippodromes comme Auteuil ou Longchamp pourraient y être consacrés, ce qui accroitrait leur rentabilité. Des paris pourraient également être ouverts, pour couvrir les frais.
    Dans les autres villes, on pourrait construire des manifestodromes, ce qui redonnerait du travail au secteur du bâtiment et des travaux publics et contribuerait à faire baisser le chômage. Enfin, à Béziers, on pourrait prévoir d’organiser les manifestations à SortieOuest, transformé récemment en hippodrome : lieu conceptuel et politicartistique d’avant-garde et d’innovation culturelle permanente, où se concentrent toutes les gauches possibles et les associations de défense de tous les droits les plus modernes, c’est sans conteste l’endroit idéal. Les manifestants, tourneraient autour du chapiteau, bénéficiant de la grande campagne d’affichages pour Zingaro, où l’on a vu tous les panneaux publicitaires, dans tout le département et au delà, tous les endroits susceptibles de recevoir une affiche couverts : abri-bus, portes-fenêtres, conteneurs de déchets ménagers etc… et même quelqu’un me disait que s’étant accroupi dans la rue pour lacer ses chaussures, il s’était retrouvé avec une affiche collée sur le dos…
    Au grand cirque équestre, pourrait succéder autour du chapiteau culturel le cirque syndical, après l’Art du Théâtre de l’ami Bouffier, qui a endormi les spectateurs, l’Art de Manifester pourrait réveiller tout le monde en réunissant des milliers de manifestants en colère contre le gouvernement de gauche qu’ils ont élu.

Le Petit Journal

Après l’épisode rocambolesque de l’interdiction de manifester le 23 juin, décidée par le gouvernement socialiste, en principe de gauche, puis sa décision quelques heures après d’autoriser à nouveau, la question des modalités d’une manifestation, et par extension, de ce qu’est l’art de manifester, vient d’être posée avec acuité.
    En effet alors que dans une premier temps la CGT et FO proposaient une manifestation de type traditionnel, mobile et dynamique, consistant en une marche à pied, récréative et sportive, complétée de slogans conformes à l’ordre du jour et de chansons appropriées, reprises en chœur à l’appel d’un animateur syndical, le gouvernement leur a opposé le principe d’une manifestation statique, ce qui, concernant l’art de manifester, est tout à fait révolutionnaire. En effet, la manifestation statique suppose que le cortège reste immobile dans un lieu encadré ou encerclé par les forces de police. Les manifestants piétinent sur place, ou font semblant d’avancer tout en restant au même endroit.